Rencontre avec Morgan Moinet, directeur général de REMIX

Dans le cadre de la récente incubation de REMIX à 104factory, l’incubateur du CENTQUATRE- PARIS nous avons échangé avec Morgan Moinet afin d’en apprendre plus sur la mission, les projets et les valeurs de l’équipe REMIX.

Qu’est-ce que REMIX ?

REMIX est un bureau d’étude spécialisé dans le réemploi des matériaux de construction, filiale de l’agence d’architecture Encore Heureux, en résidence à 104factory incubateur du  CENTQUATRE-PARIS. 

Notre métier, est d’accompagner les professionnels du bâtiment (maîtrise d’ouvrage, c’est à dire les propriétaires des bâtiments ou maîtrise d’œuvre, c’est à dire les concepteurs, architectes et bureaux d’études) dans le développement de pratiques de réemploi. 

Notre activité est organisée autour de trois axes :

  • l’Assistance à maîtrise d’ouvrage, c’est à dire l’accompagnement des propriétaires des bâtiments,
  • la maîtrise d’œuvre réemploi, c’est à dire la conception des ouvrages mettant en œuvre des matériaux de réemploi, en partenariat avec les architectes,
  • La formation et l’information, avec notre site materiauxreemploi.com

Pourquoi le réemploi ?

On peut commencer par définir le réemploi. C’est le fait d’utiliser une seconde fois un matériau pour le même usage. Il se différencie de la réutilisation et du recyclage de par la définition qu’en donne le droit français (code de l’environnement) : quand on parle de réemploi, on parle de matériaux qui n’ont pas acquis le statut de déchet.

L’expression « Le réemploi des déchets » est donc une erreur. Au contraire, la réutilisation est l’utilisation à nouveau pour un usage identique ou détourné des matériaux qui ont acquis le statut de déchet. Ça amène une complexité parce qu’il faut faire sortir les matériaux du statut de déchet qui est très encadré en France. Quant au recyclage, c’est utiliser la matière qui compose un objet pour en faire une nouvelle matière première, mais recycler un objet consomme beaucoup d’énergie. Parmi les sujets de recyclage principaux : verre, plastique, papier, carton et métaux. Mais on ne peut que rarement faire du 100% recyclé, souvent on met un peu de matière recyclée pour beaucoup de matière vierge et malgré cela, on observe généralement une baisse de performance des matériaux recyclés comparés à des matériaux composés à 100 % de matière première vierge.

C’est pourquoi REMIX concentre sa pratique sur le sujet du réemploi, qui limite la transformation de l’objet et donc tous les impacts environnementaux liés à ça transformation. En outre, le droit européen, dans sa hiérarchie des modes de traitement place le réemploi comme la solution à privilégier quand on aborde un objet qui pourrait devenir un déchet 

“Le réemploi est à la portée de tous avec le bon accompagnement”

Comment a été créé REMIX ?

En 2014, Encore Heureux ont été commissaires et scénographes d’une exposition sur le réemploi nommée « Matière Grise ». Après ce projet, ils ont commencé à intégrer le réemploi dans certains de leurs projets notamment pour le Pavillon Circulaire, la maison du projet Morland et la Grande Halle de Colombelles. Ensuite, ils ont constaté que de plus en plus de gens manifestaient de l’intérêt pour obtenir d’Encore Heureux un accompagnement vers le réemploi.

Cependant, l’objet de l’agence d’architecture est de faire de la maîtrise d’œuvre architecturale et non du conseil en réemploi, donc avec Nicola Delon, Julien Choppin, Sébastien Eymard et Sonia Vu, nous avons trouvé pertinente l’idée de créer une structure dédiée pour répondre à ce besoin ce qui a donné lieu à la création du bureau d’études REMIX qui réunit aujourd’hui une équipe de quatre personnes.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre effort de démocratiser le réemploi ?

Ces dernières années, les acteurs du réemploi se sont beaucoup focalisés sur les problématiques techniques, juridiques et assurantielles qui sont des vrais noyaux durs, c’est vrai, mais  pour lesquels il existe aujourd’hui un ensemble de stratégies pour lever les freins opérationnels. Finalement le plus gros problème qui persiste, c’est la question culturelle.

Il y a encore des propriétaires de bâtiment qui sont craintifs vis-à-vis du réemploi, qui ne savent pas bien ce que c’est, ni comment ça fonctionne… Et la situation est la même pour nombre d’ architectes, de bureaux d’études, etc… Tout le monde a un peu peur et a du mal à s’y mettre. Donc le premier levier est l’acculturation des acteurs du secteur. C’est la raison pour laquelle nous avons un média, que nous animons des conférences autant que possible et que nous donnons ponctuellement des cours dans des écoles d’architecture ou d’ingénieurs. Nous voulons raconter que le réemploi dans le bâtiment est possible, simple, intéressant et très impactant du point de vue environnemental en terme de limitation de la production de déchets, de limitation de l’extraction de ressources et de l’impact carbone.


Nous cherchons toujours à illustrer notre propos d’exemples de réalisations exemplaires, d’opérations enviables en termes esthétique et de qualité de vie. Prouver qu’avec le réemploi, on peut faire de beaux projets architecturaux et que cette « contrainte » peut devenir en soi un vrai moteur de la conception architecturale, source de créativité.

Avec le bon accompagnement, mettre en œuvre des matériaux de réemploi est à la portée de toutes et de tous.

Peux-tu me parler de votre média plus en détails ?

“Le sujet est en expansion exponentielle, de plus en plus de gens produisent du contenu qui est de plus en plus intéressant. ”

Ce site a d’abord été un projet personnel que j’ai ensuite apporté à la société à sa création. Quand j’ai commencé à m’intéresser au réemploi, j’étais en stage chez Encore Heureux en 2014, puis j’ai choisi ce thème pour mon mémoire et en tentant de trouver de nouvelles solutions pour en apprendre plus sur le sujet, des amis et moi avons créés un groupe Facebook, le « Groupe de veille_Réemploi des matériaux de construction » dont le principe est simple : dès qu’on trouve un article, on le poste sur le groupe.

Aujourd’hui, ce groupe compte 8 000 membres et à un équivalent sur Linkedin.

A 8 000, nous sommes vraiment performants avec des nouvelles infos/articles/acteurs tous les jours ! Mais aux alentours des 200 puis 500 membres en 2018, j’ai remarqué que les gens posaient toujours les mêmes questions, car le groupe Facebook n’est pas un format adéquat pour archiver des données et les rechercher. Pour répondre à cette problématique, j’ai créé le site materiauxreemploi.com où les sujets sont organisés par catégories avec les articles et sources correspondantes. Au départ, le site était principalement un partage de contenu externe et de fil en aiguille, de plus en plus de contributeurs ont écrits des articles originaux pour le site.

En 2019, on comptait 20 000 connexions uniques par an et on s’approche de 50 000 aujourd’hui. Le sujet du réemploi explose, de plus en plus de gens produisent du contenu, mènent des recherches ou réalisent des projets de très bonne qualité.

Aurais-tu un projet particulièrement marquant à nous raconter ?

Mon préféré, c’est le prochain, comme a dit l’architecte Frank Lloyd Wright ! Je les aime tous, c’est difficile de choisir un favori…

Un projet particulier serait notre premier projet en marché public : une réalisation pour Universcience. Pendant les travaux du grand palais, ils ont dû déplacer le Palais de la découverte dans un bâtiment temporaire et REMIX les a accompagnés en faisant le lien sur les sujets techniques réemploi au sein de l’équipe dédiée, composée de designers, de menuisiers et d’une société de curage. Nous les avons accompagnés au démontage de la scénographie du bâtiment de 21 000m2 qui allait être totalement vidé pour les travaux, nous avons listé les matériaux qui avaient un potentiel de réemploi, organisé leur démontage, suivi la fabrication des meubles, de la scénographie et des aménagement du nouveau bâtiment temporaire avec ces matériaux-là. Le taux de réemploi final était de l’ordre de 99% ! Les seuls matériaux neufs sont un peu de peinture et d’éléments de visseries et de serrurerie.

C’est un de nos premiers projets livrés donc ça a été un projet très marquant des deux premières années d’existence de REMIX. Les retours du client étaient très positifs et notre équipe a travaillé dans une super ambiance C’était passionnant, vraiment une super expérience.

Le partage et la collaboration semblent ressortir de votre manière de travailler, sont-elles des valeurs de REMIX ?

Effectivement, pour nous avoir une approche collaborative est essentielle.

Une des certitudes que nous avions à la création de REMIX, est que le meilleur moyen d’apprendre consiste à rencontrer les gens qui ont déjà fait et qui savent faire, avant de faire à son tour. Cet esprit de communauté est central pour nous, elle s’exprime aussi avec l’implantation de la maison mère de REMIX, Encore Heureux, dans le CENTQUATRE-PARIS, un endroit de rencontre et de partage.

“Apprendre vite et apprendre ensemble”

REMIX participe en outre, à la création d’un syndicat des acteurs du réemploi afin de se fédérer autour du développement d’outils communs et pour avancer sur certains sujets techniques qui sont difficiles à porter seul. Le secteur du BTP est à l’origine de 270 millions de tonnes de déchets par an, soit 70% des déchets produits en France. Le problème est tellement gigantesque que résonner en logique concurrentielle n’a pas de sens, car réussir à régler le problème seul n’est pas réaliste. La chose la plus logique est de résoudre les problèmes ensemble.

Un effort collaboratif est indispensable rien que pour tenter de s’approcher de l’échelle du problème.

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